« Le Processus Hoffman peut être plus efficace que trois ans de thérapie »
Après sa rencontre fondatrice avec Bob Hoffman dans les années 80, Karin Reuter a contribué à développer le Processus Hoffman et à le diffuser en Europe, notamment en Allemagne et en France. Elle nous raconte comment elle a découvert le Processus et ce qui en fait un parcours unique de développement personnel.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel avant de connaître Bob Hoffman et le Processus Hoffman ? Quelle a été votre formation, votre quête ?
Ne voulant pas faire de longues études, je deviens au début de ma carrière physiothérapeute. Mais je touche vite les limites de cette profession et je décide alors de commencer des études de psychologie, à Vienne. J’y rencontre mon mari et je pars à Hambourg où je travaille alors pour l’aider à payer ses études. Après un an passé à Paris pour sa formation, nous retournons à Hambourg, où naissent mes deux enfants en 1966 et 1969. Nous nous installons ensuite de nouveau en France où mon mari travaille alors comme juriste au CNES (Centre national d’études spatiales). Nous habitons à Fontainebleau et là, avec d’autres femmes qui accompagnent leurs maris, nous montons une maternelle trilingue en anglais, français et allemand, dans laquelle nous enseignons bénévolement.
Après mon divorce, je repars avec mes enfants à Fribourg en Allemagne où je mène une vie très diversifiée en tant que mère, étudiante en psychologie, assistante à l’université et évaluant les objecteurs de conscience qui s’opposent au service militaire.
Psychanalyse, Gestalt thérapie…
En parallèle, je suis différentes formations : en psychanalyse, en Gestalt thérapie, en thérapie rogérienne ainsi qu’en thérapie initiatique de Graf Dürckheim. A la fin des années 70, je suis certifiée en tant que psychothérapeute.
Mais toutes ces formations ne me satisfont pas complétement ; au fond de moi, je cherche encore quelque chose, sans vraiment savoir quoi… Ce quelque chose, je vais bientôt le découvrir en rencontrant Bob Hoffman et le Processus.
En attendant, je développe et enseigne dans un cadre institutionnel un programme pour réintégrer les femmes dans le monde du travail après une parenthèse exclusivement familiale. Je m’occupe alors beaucoup des femmes, sans être féministe.
Sur le plan personnel, je me remarie avec le père de mes enfants qui revient vivre avec nous, en Allemagne.
Entre-temps, je reçois l’accréditation de psychothérapeute par l’assurance maladie allemande et je travaille énormément, jusqu’à 70 heures par semaine.
C’est à cette époque qu’un groupe d’amis organise une conférence sur les thérapies transpersonnelles venant des États-Unis. Beaucoup de thérapies différentes y sont présentées, c’est fantastique. J’ouvre grand mes oreilles : le lien entre corps, émotion et esprit y est présenté comme étant essentiel. Et c’est à cette occasion que Margot Anand, une psychologue et sexologue franco-américaine, recommande d´inviter Bob Hoffman.
Les débuts de la thérapie transpersonnelle
Racontez-nous cette rencontre avec Bob Hoffman et le démarrage de ce travail en Europe. Vous êtes alors un premier groupe de thérapeutes qui faites venir les équipes des États-Unis pour vous entraîner…
Lorsque Bob intervient dans cette conférence, malgré une approche chaotique, sans structure et sans théorie, sa présence comme thérapeute est bel et bien là ! C’est un coup de foudre !!!
Qu’est-ce qu’il était vivant ! J’ai été la première à prendre rendez-vous avec lui. J’avais enfin trouvé ce que je cherchais sans le savoir ! Ça m’émeut encore aujourd’hui…
Bob était un homme émotionnel, empathique sans formation psychologique, mais quelle intuition ! C’était incroyable de le voir travailler quand il venait des États-Unis pour nous transmettre sa méthode. Nous étions alors une dizaine à assister aux premières séances avec lui. Bob était assis en face de ses clients et nous tous installés derrière lui. Il faisait une telle impression que ceux-ci oubliaient que nous étions là. Il leur murmurait, il leur parlait de papa… de maman… et réussissait à les toucher émotionnellement, à faire en sorte que les larmes sortent, qu’ils puissent pleurer. Il avait ce don d’établir un profond contact émotionnel et d’aller au-delà de la carapace qui sert à ne rien montrer. C’était sa force et son secret.
La naissance du Processus Hoffman
en Europe
Racontez-nous les années à développer ce travail d´abord en Allemagne et ensuite en France…
Dans ce groupe, nous avons vécu avec Bob des rencontres comme en famille. A force de l’observer, nous avons structuré et développé sa méthode en l’adaptant à la culture allemande. Notre idée était de créer un Institut International. Pour lui, c’était un rêve, celui de laisser un héritage !
Plus tard, je suis partie seule deux mois aux États-Unis, chez lui, pour devenir superviseur de la méthode. Nous nous sommes bien entendus, il était très paternel avec moi. C’était très joyeux. J’ai connu sa famille, j’ai participé à Thanksgiving, entourée de 30 personnes… C’était Bob, très gai, très festif.
En Allemagne, nous avons commencé à proposer le Processus Hoffman aux clients de nos cabinets. Dans cette ouverture au corps, à l’émotion, à l´intellect et à la spiritualité, j’ai trouvé mon bonheur. Il s’agissait de travailler tout cela avec une méthode puissante et efficace. Aujourd’hui encore, on parle de l’avant et de l’après Hoffman. Suivre le parcours de ce processus change fondamentalement les gens !
Travailler avec des groupes n’était pas nouveau pour moi. Je le faisais déjà dans mes formations, mais avec le Hoffman c’est devenu un format régulier. Il faut distinguer la thérapie en groupe et la thérapie de groupe, ce sont deux démarches totalement différentes. Le Processus Hoffman propose un travail en groupe. Chacun travaille sa propre biographie et le groupe sert de cadre et d’amplificateur, dans lequel chacun apprend de l’autre.
Bob Hoffman m’avait dit : « Tu verras, tu laisseras ton cabinet, tu ne feras plus que le Processus. » Je lui avais alors répondu : « Non, jamais ! ». Mais il avait raison…
Et L´Institut Hoffman France, comment s´est-il développé ?
Un jour, Bob m´a demandé d’introduire le Processus en France. Je parlais français bien sûr, mais proposer toute une thérapie en français restait un vrai défi. Il a fallu traduire les textes, les adapter à la culture française, former des thérapeutes français, trouver des centres en France. Je travaillais tous les jours et tout cela s’est construit peu à peu.
Une thérapie intégrative et transgénérationnelle
Quelle est votre vision thérapeutique du Processus Hoffman ? Quel est le plus important à retenir selon vous ?
Un objectif essentiel du Processus Hoffman consiste à recréer un dialogue direct avec son enfant intérieur. Ce lien permet de prendre conscience et d’extérioriser, dans un cadre de sécurité et confiance, les émotions longtemps contenues de cet enfant, d’exprimer de façon transparente sa douleur, sa tristesse, sa colère et sa joie. Revisiter la relation avec ses propres parents et ses propres circonstances de vie, c’est reconnaître et assumer un manque, un abandon, une trahison, le poids des conditionnements et des préjugés… Il s’agit alors d’ouvrir une porte, celle du cœur, vers la création d’un présent et d’un devenir à partir d’une profonde acceptation du passé.
Le Processus Hoffman est un processus actif et ancré dans le transgénérationnel. C’est un parcours marqué par l’intensité et la profondeur, qui en peu de temps, grâce à une approche intégrale (corps, émotion, intellect et esprit), avec une démarche individuelle dans un cadre collectif, montre un chemin de vie qui mène à l’indépendance. Et c’est essentiel.
Gestion du stress et des émotions
Pouvez-vous nous donner des exemples cliniques pour illustrer les propos et la façon dont vous travaillez avec cette méthodologie ?
Le burn-out qui va toucher un adulte, fatigué, qui n’en peut plus, se retire, tombe malade. Cela peut concerner par exemple des leaders qui ont beaucoup de succès. Si l’on regarde dans leur enfance, on y trouve souvent une mère qui n’est jamais satisfaite de son enfant : « Je te connais, tu es formidable, mais tu peux encore mieux faire » Et si le père, qui est un modèle, est absent parce qu’il travaille trop, c’est un nœud qui s’établit et qu’il faut dénouer ! Ce sont des cas classiques.
Les difficultés relationnelles dans le couple reviennent également parmi les problèmes les plus fréquents. Elles s’illustrent par des séparations qui se passent mal, façon « Guerre des Rose », avec souvent une femme qui vit une séparation blessante. La question pour accompagner cette femme est : « Qu’y a-t-il dans son enfance pour que cette petite fille qui ne sait pas dire non, n’a pas appris à prendre sa place, ait choisi un homme dominant ? » Il lui faut comprendre le pourquoi, mais surtout découvrir qui elle est vraiment, quelle est sa force, et apprendre à dire non. J’ai en mémoire beaucoup de couples qui se sont réconciliés ou se sont séparés pour leur bien.
Pour tout cela, le Processus Hoffman est fantastique ; il permet de se libérer psychiquement et physiquement des conditionnements de l’enfance pour devenir consciemment actrice et acteur de sa propre vie.
Développement personnel et confiance
en soi
Qu’est-ce que le Processus vous a apporté sur le plan personnel ?
Sur le plan personnel, j’ai travaillé sur différents domaines de ma vie. Ma confiance en moi est devenue plus grande et plus stable. J’ai osé beaucoup de choses dans ma vie, j’ai essuyé des échecs certes, mais ma capacité de résilience s’est étoffée.
Grâce au Processus, j’ai pu accompagner mes parents avec amour et gratitude jusqu’à leur fin de vie ; c’était très fort ! Sans le Processus Hoffman, qui s’est révélé essentiel, fondamental pour me permettre d’aborder sereinement ces moments toujours douloureux, ce vécu aurait été beaucoup moins intense, il y aurait eu moins d’amour exprimé et partagé.
Mon travail a un sens, mon travail est ma vie et c’est un autre changement important. Donner et recevoir sont désormais en équilibre. Je ne sépare pas l’un et l’autre, j’ai toujours considéré que c’était une grande chance. J’ai dû travailler avec quelque 3 000 personnes dans ma vie ; je suis reconnaissante de les avoir accompagnées.
Aujourd’hui, je travaille encore pour le Processus Hoffman. Je suis disponible si on me le demande, mais j’ai lâché prise, j’ai décidé de passer le relais. J’éprouve maintenant la joie de collaborer encore avec ma fille Katrin et son partenaire, Cherif Chalakani, qui dirigent ensemble l´Institut depuis 10 ans. Travailler avec ma fille n´allait pas de soi, car nous nous sommes parfois opposées dans le passé. Cela n’a pas toujours été facile… Le Processus Hoffman nous a aidées toutes les deux pour développer l’Institut mais il a aussi été bénéfique dans notre relation personnelle.
Les névroses de l’enfance
Qu’est-ce que vous avez vécu de plus émouvant ?
Bob Hoffman a toujours dit : « Nous avons tous des parents, donc nous avons tous des névroses de notre enfance. » En conséquence : chaque être peut faire le Processus.
Ce qui est fantastique aujourd’hui, ce sont les enfants qui arrivent, nés de parents qui ont fait le Processus Hoffman il y a trente ans. Aujourd’hui, on voit que le système familial peut changer.
C’est émouvant aussi quand le partenaire, le frère ou la sœur d’un participant s’inscrit dans le Processus Hoffman suivant.
Je pense également à ces gens qui ont coupé le contact avec leurs parents depuis des années lorsqu’ils commencent le Processus. Quand ces personnes retrouvent ensuite un nouveau chemin pour se rapprocher, c’est une grande joie.
Quelle est la place du Processus Hoffman dans les temps actuels ?
Le Processus est important car il permet, en peu de temps, de travailler aussi bien individuellement qu’en étant orienté vers la relation, ce qui mène à un travail actif de chacun, impliqué personnellement dans le changement, et responsable aussi : c’est la personne qui effectue le travail et pas la méthode.
Le Processus peut être plus efficace que trois ans de thérapie et il permet de gagner du temps. Je sais de quoi je parle, j’ai exercé en cabinet pendant des années.
Ce parcours de développement personnel aborde tous les cercles : moi avec moi, moi avec toi, moi avec le système familial, la communauté, etc. L’objectif est de savoir où est sa place et comment communiquer.
Comment voyez-vous son avenir ?
Aujourd’hui, le tabou d’admettre un mal-être est en train de s’atténuer, en lien avec la recherche de connexion avec soi-même, la question « qui suis-je ? » ou la quête d’un sens à sa vie. Il y a encore 30 ans, la recherche d’un équilibre entre vie privée et vie professionnelle n’était pas un sujet. Ce sont les évolutions de la société qui amènent l’introspection, le questionnement sur la perception de soi, le développement personnel, le besoin d’élargir la conscience.
Aujourd’hui, le Processus Hoffman propose une structure résidentielle sur 7 jours, avec une phase de préparation et une phase d’intégration. Cela permet de mettre en place une méthode très structurée au sein de laquelle s’exprime la liberté de chacun avec sa propre individualité, en lien avec le vivre ensemble.
L’institut est administrativement bien organisé autour d’une équipe de collaborateurs engagés. Par ailleurs un programme de formation de praticiens Hoffman est sur pied, ce qui assure la continuité dans le temps de ce travail. Nous disposons maintenant de plusieurs centres en France dans lesquels nous organisons nos séminaires résidentiels.
Le programme SAT de Claudio Naranjo est venu depuis 15 ans renforcer cela. Le Processus Hoffman aborde le système familial de l’enfance et le SAT est orienté vers la vie adulte.
Je lui vois donc une grande force. Le futur s’annonce sous de bons auspices en France, tout est en place.